Pawson avait vendu un livre qui devait s’intituler
minimalisme ou la chi haja Il nous montrait des photos du quotidien
qui représentaient autant un bol de porcelaine vide qu’un champ brûlé, et qui, bien cadré par le
photographe et bien tenu par les limites de la page, concentraient le propos sur quelques éléments
: de la forme, ou de la texture, un évènement isolé dans un grand vide, Le
grain du papier me semblait également particulier. (Je pourrais me lever et
aller vérifier pendant que j’écris ceci car il se trouve dans l’étagère en
face, mais je fais plus confiance à mes souvenirs qu’à la réalité)
Et Pawson a le don de vous donner envie de faire la même chose que lui. J’ai déposé les enfants à l’école mais une lumière m’interpelle avant de repartir. Cette maison vient de se construire, l’air est encore pur ce matin, elle est brute dans le paysage, pas encore « apprêtée » par ses propriétaires, pas de fleurs, pas de clôture, pas de trace « d’entretien » ou « je suis là ». Il n’y a que l’architecture brute, telle qu’elle est sortie des mains des artisans, et la nature. Des faces monochromes (le bleu, le blanc, orange) séparées par des lignes régulières : la gouttière, le faitage, la cheminée, sont figés et tout cela est là. L’opposition d’un sol rugueux et d’un mur lisse. D’un sol plein et d’un ciel vide. En vérité c’est plus complexe : l’orange du toit est une couleur complémentaire au bleu du ciel. Le blanc du mur n’est pas blanc, il est presque gris bleuté parce qu’il est dans l’ombre ; les arbres ici sont presque noirs tellement ils sont foncés. Les enfants ont grandis et on ne les conduit plus à l’école mais je repasse souvent devant cette maison, les choses ne sont plus aussi simples. Le minimalisme, ce n’est pas de l’épuration, c’est de la concentration. C’est du pur jus concentré de texture et de lumière qui reste longtemps dans l’esprit.